Le général Magrin-Vernerey dit Monclar

" A vingt ans, la Légion d'honneur nous paraissait un mirage, quelque chose d'inaccessible. En commençant la guerre de 14, je pensais: tu n'auras pas la Légion d'honneur, peut-être une blessure, tout au plus une citation. J'avoue que j'ai tout fait ". Ainsi parlait celui que ses camarades de la promotion Montmirail de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, ceux qui partirent en casoar et en gants blancs, appelaient ''le recordman des citations et des blessures'', le général Magrin-Vernerey dit Monclar, grand-croix de la Légion d'honneur, Médaillé militaire.

Monclar500Pourtant si on l'écoute, la recette était simple : " Il faut avant de partir avoir sacrifié sa vie, tout en étant décidé à la vendre le plus cher possible. Alors tout devient possible "

Sans doute l'enfant de 8 ans qui s'enfuit de chez lui pour aller se battre contre les Anglais avec les Boers, en 1900, ne pensait-il pas à la Légion d'honneur mais l'adolescent de 15 ans qui tenta de s'engager à la Légion étrangère rêvait de tout conquérir à la pointe de son sabre. A chaque fois, il dut rentrer au foyer escorté de deux gendarmes, mais à la deuxième il obtint de ses parents la promesse de pouvoir préparer Saint-Cyr.

A sa sortie de Saint-Cyr, il est affecté le 4 août 1914, par décret de mobilisation à la 14e Division, la Division des As, 60ème Régiment d'Infanterie, l'As de Cœur. Dès les premiers assauts, le 6 août à Altkirch, en Alsace, ses capitaine et lieutenant tués, il prend le commandement de la compagnie. Il est maintenu capitaine à titre temporaire et le 13 août, alors que son bataillon bat en retraite à Louvres près de Paris, il met son casoar et donne l'ordre de ré-attaquer. Il y reçoit sa première blessure et refuse de se laisser évacuer. En 1915, il est fait chevalier de la Légion d'honneur; il a vingt trois ans. En juin 1916, il est nommé capitaine mais ne commandera plus que des bataillons à partir de novembre 1916. Seule, la Division des As avait réalisé la percée au nord-est de Reims et le généralissime avait décidé qu'un tableau représentant un officier, un sous-officier et deux hommes de troupe figurerait au musée de la Légion d'honneur. Parmi les officiers, l'on choisit celui que tout le monde appelait l'As des As, le capitaine Magrin-Vernerey qui avait été cité trois fois pour la seule année 1917. En 1918, avec son bataillon, il prend la fameuse butte de Tahure, avec trois heures d'avance sur les prévisions de l'Etat-major. Il termine la Grande Guerre avec sept blessures, dont deux trépanations et est titulaire de onze citations. Puis il rejoint, en 1919, les Poilus d'Orient, à l'état-major du maréchal Franchet d'Esperey, en Russie méridionale.

En 1920, il entame la pacification du levant avec le général Clément-Grancourt, ''l'Empereur Clément'', et le colonel Nieger. Il est fait officier de la Légion d'honneur par le général Gouraud, pour la défense héroïque, avec cinquante tirailleurs et 50 miliciens levés sur place, de son poste assiégé par un millier de rebelles.

En 1924, il réalise son rêve et entre à la Légion étrangère qu'il ne quittera pratiquement plus. Sous les ordres du colonel Rollet et de ses ''trois mousquetaires'', il participe à la campagne du Rif, puis repart au Levant à la reconquête du Djebel Druze qui s'était révolté. Il est nommé chef de bataillon en 1928 mais commande à la fois deux bataillons. Après un séjour au ''paradis terrestre des Français'', en Indochine, où il est proposé plusieurs fois pour la cravate de commandeur malgré la cabale qui se porte contre un des plus jeunes lieutenants-colonels de l'Armée française. La seconde Guerre Mondiale le trouve se rongeant d'être au Maroc, mais il obtient le commandement de la 13e Demi-Brigade de Légion étrangère destinée à délivrer la Finlande et finalement dirigée sur la Norvège pour couper la route du fer. Il entame l'épopée de cette demi-brigade avec la prise de Narvik, la seule victoire de 1940.

Le 19 juin 1940, il est le premier à se rallier au général De Gaulle avec un régiment d'élite, tous les autres ralliements ayant été individuels. En fait, c'est avec la moitié de son régiment qu'il se rallie, l'autre moitié ayant choisi de rentrer en France. Chacun respectant la décision de l'autre, leur chef de corps, lors des adieux, n'a qu'un espoir : les réunir ensemble contre l'ennemi. Tous les officiers refusent l'avancement proposé et sont mis, chef de corps compris, sous les ordres du capitaine Leclerc. Ayant pris, pour éviter les représailles, le nom de Monclar du nom d'un village du Tarn et Garonne, proche de Magrin, le berceau familial, il prend alors le commandement de la 1ère Brigade des Forces Françaises Libres, dénommée Brigade Française d'Orient, et réalise la première victoire de la DFL, en Erythrée, à Massaouah, faisant lui-même prisonnier l'amiral et le général italiens.

A Dakar, puis lors de la campagne de Syrie, il refuse avec le capitaine de La Maze et le colonel Loriot de se battre contre des Français. Son commandement lui est enlevé et donné à son chef d'état-major, Koenig. Il devra garder durant toute la guerre le Levant, non contre les Allemands mais contre les manœuvres de nos alliés, les Anglais qui voulaient prendre notre place. En 1941, il est le premier sur la liste des condamnés à mort par le tribunal de Vichy, mais son refus de se battre en Syrie lui vaudra toutes les rancunes. En 1945, il est général de brigade.

Pour réparer cette injustice, en 1948, le général Leclerc fait recréer pour lui, le poste d'Inspecteur de la Légion étrangère qui n'avait pas été occupé depuis le général Rollet. Il réorganise cette arme d'élite, crée un Bataillon Etranger de Parachutistes, veille avant tout au bien-être du Légionnaire, visite tous les postes de la Légion en Indochine. Il est général de corps d'armée lorsque, le 25 juin 1950, les blindés nord-coréens franchissent le 38ème parallèle. Dans la 1ère Armée des Nations Unies décidée à intervenir pour défendre la Corée du Sud sans chars ni aviation, la France n'envoie qu'un bataillon. Peu importe, Monclar échange ses étoiles contre les galons de lieutenant-colonel. Le petit bataillon français qui n'était qu'un symbole va faire parler de lui et étonnera les Américains.

En 1952, il reçoit la Médaille militaire. Il n'était pas maréchal de France mais le peuple de France avait parlé par la voix des Anciens Combattants, Poilus, Tirailleurs, Légionnaires : tous l'appelaient " notre héros national ".

Il meurt en 1964, des suites de ses blessures de guerre, gouverneur des Invalides, soldat le plus décoré de France.

Le général Monclar est le père de Madame Dufour, épouse du colonel Bernard Dufour, AHH 458.