Ordre royal et militaire de Saint-Louis

Un intéressant point d'histoire

L’ordre royal et militaire de Saint-Louis créé par Louis XIV en 1693 institua pour la première fois une chevalerie pour les roturiers. Un simple officier « de fortune » va porter le même insigne que le maréchal de France issu du plus haut lignage. Il fallait l’autorité de Louis XIV pour lancer cette audacieuse réforme assez démocratique bien que réservée aux seuls officiers catholiques.

L’ordre provoqua dès sa fondation une sorte de fanatisme dont le gouvernement avait grand besoin. L’enthousiasme fut tel que Napoléon a attribué au désir de recevoir la croix la constance avec laquelle l’armée supporta les échecs et redressa finalement la situation désespérée qui marqua les dernières années du règne.

À l’issue des guerres de succession de Pologne (1733-1735) et de succession d’Autriche (1740-1748) auxquelles l’arrière petit-fils, le roi Louis XV, fait allusion, ce dernier prit en novembre 1750 l’ordonnance de Fontainebleau créant une noblesse essentiellement militaire que la haute noblesse héréditaire ne vit d’ailleurs pas d’un œil très favorable.

Cet anoblissement après trois générations de décorés de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis (article 10) n’aurait dû concerner en fait qu’un nombre probablement restreint d’officiers subalternes et supérieurs car les conditions étaient très contraignantes, en particulier les trente ans de service ininterrompu dont vingt comme capitaine pour les plus subalternes. Parmi les roturiers, il y avait bien peu de lignées militaires de père en fils, la plupart étant des officiers de fortune. Seule la noblesse, dont les cadets de famille étaient destinés à la carrière des armes, pouvait constituer de telles lignées.

Le règlement du 22 mai 1781 du maréchal de Ségur, interdisant tout avancement aux roturiers en exigeant des futurs officiers quatre quartiers de noblesse, parut un grave retour en arrière. Le roi Louis XVI s’aliéna le corps des « bas-officiers », qui fit bon accueil à la Révolution.

Le jeune Bonaparte, officier des armées du roi, avait lui-même rêvé de la croix.

Il est avéré que le Premier Consul s’inspira de cet ordre pour la création de la Légion d’honneur, puis de l’édit de Louis XV pour instituer une noblesse dès 1808. Louis XVIII ne put faire autrement que son prédécesseur ni que ses grands ancêtres lorsqu’il promulgua l’ordonnance de 1814.

Mais cette fois, toutes ces dispositions, comme l’attribution de la Légion d’honneur, furent ouvertes à tous les mérites, civils ou militaires, à tous les gradés, à toutes les castes.

Nous avons donc pensé qu’il était très intéressant de diffuser intégralement, avec l’orthographe et les termes de l’époque, l’édit de Louis XV qui fut incontestablement la première manifestation de ce qui inspira, 217 ans plus tard, la création de notre association : l’Association des anciens honneurs héréditaires.

Général Jean-Claude Laboria.

Ordonnance de novembre 1750 portant création d’une noblesse militaire

Louis par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre à tous présens et avenir, salut. Les grands exemples de zèle et de courage que la noblesse de notre royaume a donnés pendant le cours de la dernière guerre, ont été dignement suivis par ceux qui n’avaient pas les mêmes avantages du côté de la naissance, que nous ne perderons jamais le souvenir de la généreuse émulation avec laquelle nous les avons vus combattre et vaincre nos ennemis ; nous leur avons déjà donnés des témoignages autentiques de notre satisfaction par les grades, les honneurs et les autres récompenses que nous leur avons accordés ; mais nous avons considéré que les graces personnelles à ceux qui les ont obtenues s’éteindront un jour avec eux, et rien ne nous a paru plus digne de la bonté du Souverain que de faire passer jusqu’à leur postérité les distinctions qu’ils ont si justement acquises par leurs services. La noblesse la plus ancienne de nos états, qui doit sa première origine à la gloire des armes, verra sans doute avec plaisir que nous regardons la communication de ses privilèges comme le prix le plus flatteur que puissent obtenir ceux qui ont marché sur ses traces pendant la guerre. Déjà annoblis par leurs actions, ils ont le mérite de la noblesse, s’ils n’ont pas encore le titre et nous nous portons d’autant plus volontiers à le leur accorder que nous supleerons par ce moyen à ce qui pourrait manquer à la perfection des loix précédentes, en établissant dans notre royaume une noblesse militaire qui puisse s’acquérir de droit par les armes sans lettres particulières d’annoblissement. Le Roy Henri IV avait eu le même objet dans l’article 25 de l’édit sur les tailles, qu’il donna en 1600 ; mais la disposition de cet article ayant essuyé plusieurs changemens par des loix postérieures, nous avons cru devoir, en y statuant des nouveaux par une loy expresse, renfermer cette grâce dans de justes bornes. Obligé de veiller avec une égale attention au bien général et particulier des differens ordre de notre royaume. Nous avons craint de porter trop loin un privilège dont l’effet serait de surcharger le plus grand nombre de nos sujets qui supportent le poids des tailles et des impositions. C’est cette considération qui nous a forcé de mettre des limitations à notre bienfait pour concilier la faveur que méritent nos officiers militaires avec l’intérêt de nos sujets taillables, au soulagement desquels nous serons toujours disposé à (pourvoir) de la manière la plus équitable et la plus conforme à notre affection pour nos peuples. À ces causes, (…) de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale nous avons par notre présent édit perpetuel et irrévocable, dit, statué et ordonné, disons statuons et ordonnons, voulons (et nous plaie ce qui suit).

Article 1er. — Ceux de nos sujets servans dans nos troupes en qualité d’officiers, ne pourra être imposé de la taille pendant qu’il conservera cette qualité.

Article 2. — En vertu de notre présent édit et du jour de sa publication, tous officiers généraux non nobles actuellement à notre service, seront et demeureront annoblis avec toute leur postérité née et à naitre en légitime mariage.

Article 3. — Voulons par la même que le grade d’officier général confère la noblesse de droit à ceux qui y parviendront et a toute leur postérité légitime, lors née et à naitre, et jouiront nos dits officiers généraux de tous les droits de la noblesse à compter du jour et date de leurs lettres et brevets.

Article 4. — Tout officier non noble d’un grade inférieur à celui de maréchal de camp qui aura été par nous créé chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint Louis et qui se retirera après trente ans de service non interrompus, dont il aura passé 20 avec la commission de capitaine, jouira sa vie durant de l’exemption de la taille.

Article 5. — L’officier dont le père aura été exempt de la taille en exécution de l’article précédent, s’il veut jouir de la mêm exemption en quittant notre service, sera obligé de remplir auparavant toutes les conditions prescrites par l’article quatre.

Article 6. — Réduisons les 20 années de commissions de capitaine exigées par les articles cy dessus à 18 ans pour ceux qui auront eu la commission de lieutenant colonel, à 16 pour ceux qui auront eu celles de colonel et à 14 pour ceux qui auront eu le grade de brigadier.

Article 7. — Pour que les officiers non nobles qui auront accompli leur tems de service puissent justifier qu’ils ont acquis l’exemption de la taille accordée par les articles 4 et 5 voulons que le secrétaire d’état, chargé du département de la guerre, leur donne un certificat portant qu’ils ont servis le tems prescrit par les articles quatre et six en tels corps et en tels grades.

Article 8. — Les officiers devenus capitaines et chevaliers de l’ordre de St Louis, que leurs blessures mettront hors d’état de nous continuer leurs services, demeureront dispensés de droit du tems qui en restera lors à courir, voulons en ce cas que le certificat mentionné en l’article précédent, spécifie la qualité des blessures des dits officiers, les occasions de guerre dans lesquelles ils les ont reçues, et la nécessité dans laquelle il se trouve obligé de se retirer.

Article 9. — Ceux qui mourront à notre service après être parvenu au grade capitaine, mais sans avoir rempli les autres conditions imposées par les article 4 et 6 seront sensés les avoir accomplis et s’ils laissent des fils légitimes qui soient à notre service ou qui s’y destinent il leur sera donné par le secrétaire d’état, chargé du département de la guerre, un certificat portant queleur père servait au jour de sa mort dans tel corps et dans tel grade.

Article 10. — Tout officier né en légitime mariage dont le père et l’aieul auront acquis l’exemption de la taille en exécution des article cy dessus, sera noble de droit après toutefois qu’il aura été créé par nous chevalier de l’ordre de St Louis, qu’il nous aura servi le tems prescrit par les articles 4 et 6 ou qu’il aura profité de la dispense accordée par l’article 8 voulons pour le mettre en état de justifier ses services personnels, qu’il lui soit délivré un certificat tel qu’il est ordonné par les articles 7 et 8 selon qu’il se sera trouvé dans quelqu’un des cas prévus par ces articles et qu’en conséquence ils jouissent de tous les droits de la noblesse du jour daté dans le dit certificat.

Article 11. — La noblesse acquise en vertu de l’article précédent passera de droit aux enfants légitimes, de ceux qui y seraient parvenus, même à ceux qui seront nés avant que leurs pères soient devenus nobles, et si l’officier qui remplit ce troisième degré meurt dans le cas prévu par l’article 9 il aura acquis la noblesse ; voulons pour en apporter la preuve, qu’il soit délivré à ses enfans légitimes un certificat tel qu’il est mentionné au dit article 9.

Article 12. — Dans tous les cas où nos officiers seront obligés de faire les preuves de la noblesse acquise en vertu de notre présent édit outre les actes de célébration, et contrats de mariage extraits baptistaires et mortuaires et autres titres nécessaires pour établir une filiation légitime ils seront tenus de représenter les commissions des grades des officiers qui auront remplis les trois degrés cy dessus établis, leur provision de chevalier de l’ordre de Saint Louis et les certificats à eux délivrés en exécution des articles 7, 8, 9, 10 et 11. Selon que les dits officiers auront remplis les conditions auxquelles nous avons attaché l’exemption de la taille, et la noblesse, ou selon qu’ils auront été dispensés des dittes conditions par des blessures ou par mort, conformément aux dispositions du présent édit.

Article 13. — Les officiers non nobles actuellement à notre service jouiront du bénéfice de notre présent édit à mesure que le tems de leurs services prescrits par les articles 4 - 6 et 7 sera accomply quand même ce tems aurait commencé à courir avant la publication de notre édit.

Article 14. — Entendons néanmoins par l’article précédent accorder aux dits officiers d’autres avantages rétroactifs que le droit de remplir le premier degré, diffendons à nos cours et autres juridictions qui ont droit d’en connaitre de les admettre à la preuve des services de leurs pères et aieuls retirés ou morts à notre service avant la publication de notre présent édit.

Article 15. — Pouront nos dits officiers déposer pour minute chez tels notaires royaux qu’ils jugeront à propos les lettres, brevets et commissions de leurs grades ainsi que les certificats de nos secrétaires d’état, chargé du département de la guerre, dont leur sera délivré des expéditions qui leur serviront ce que de raison. Si donnons en mendement à nos aimés et féaux conseillers, les gens tenant nos cours de parlement, chambre des comptes et cour des aydes à Paris que notre présent édit ils ayent à faire lire, publier et registrer et le contenu en y celuy, garder et observer selon la forme et teneur, sans y contrevenir ny permettre qu’il y soit contrevenu, nonobstant tous édits, déclaration arrets, réglemens et autres choses contraires auxquels nous avons dérogé et dérogeons par notre présent édit. Car tel est notre plaisir, et afin que ce soit chose ferme et stable a toujours, nous y avons fait mettre notre scel, donné à Fontainebleau au mois de novembre l’an de grâce 1750 et de notre règne le trente sixième.

Signé : Louis.

(Illisible)

Ordonnance du 6 juin 1819

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre,

À tous ceux qui ces présentes verront, salut.

Vu l’avis du Maître des requêtes, notre Commissaire au Sceau de France ;

Sur le rapport de notre Garde des sceaux ministre secrétaire d’État au département de la Justice ;

Nous avons ordonné et Nous ordonnons ce qui suit :

Article 1er. — À compter de ce jour, les chevaliers de notre Ordre royal et militaire de Saint-Louis sont et demeurent admis à profiter, conjointement avec les chevaliers de notre Ordre royal de la Légion d’honneur, des dispositions de notre ordonnance du 8 octobre 1814 relative aux concessions du titre de chevalier et d’armoiries.

Article 2. — Notre Garde des Sceaux est chargé de l’exécution de la présente ordonnance.

Donné au château des Tuileries, le sixième jour du mois de juin de l’an de grâce mil huit cent dix-neuf et de notre règne le vingt-quatrième.

Signé : Louis.
Par le roi,

Le Garde des Sceaux de France,
Ministre secrétaire d’État au département de la Justice,
Signé : P. de Serre.